Bonjour Soleil ! [Tebryn]

Il y a une inconnue, là, qui se tient devant toi. Elle t’accueille et te présente les lieux, comme si elle les connaissait par cœur. Tu aimerais bien les connaître aussi bien qu'elle, ici et maintenant, immédiatement. Tu te sens perdu, peut-être parce que la transition armoire/maison est difficile à accepter. Cela dit, aussi paumé que tu es, tu préfères toujours cette situation à la précédente. Tu aurais pu retrouver celui qui t'as donné tant de cauchemars, et ainsi connaître la mort. Mais toute cette obscurité, elle ne t'attire absolument pas. Même t'habiller de noir pourrait te déranger. Et tu es loin de tout ça, maintenant. Tu ne sais pas où tu es, mais ça ne semble pas être le même monde.

Arrête de t'embrouiller l'esprit et écoute. Écoute et suis-la. Ce que tu fais, car tu n'as rien d'autre à faire. Elle semble digne de confiance, mais tu es le pire des juges pour ce genre de situation ! C'est d'ailleurs étonnant que tu ais échappé aux pédophiles, étant plus jeune. Quoiqu'il en soit, tu décides de ne pas te méfier de l'inconnue qui te guide à une chambre. Puis tu te retrouves seul. Avant d'entrer, tu prends bien soin de regarder autour de toi. Tu veux pouvoir te repérer rapidement dans cet endroit. Ce qui t'interpelle le plus, c'est le deuxième nom que tu trouves sur la porte. Un colocataire ? Tu te réjouis à cette idée, sans penser une seconde que ça pourrait être une horrible personne. Mais si c'était le cas, comment réagirais-tu ? Tu n'aurais pas vraiment le choix de la supporter. De toute façon, il n'existe pas de personne foncièrement mauvaise, et les rencontres qui commencent mal sont rares. Tu te dis simplement que c'est bien, au moins tu ne seras pas seul.

Tu frappes avant d'entrer, mais personne ne répond. La déception s'empare de ton être, car tu aurais préféré une présence de l'autre côté. Vu l'heure, l'absent doit être sorti en… ville ? On trouve une ville ici ? Tu ouvres la porte pour découvrir ce que sera ta chambre, mais ne trouves que les ténèbres. Il fait un noir complet, c'est à peine si diverses formes indistinctes se démarquent. Bizarre. Tu traverses la pièce, incertain quant à ton itinéraire, pour ouvrir les volets. Appuyer sur l'interrupteur aurait été plus simple, mais tu ne l'as pas trouvé en passant ta main sur le mur.

D'un geste rapide, tu dégages la fenêtre pour inonder la chambre de lumière. Le soleil est haut, en face de la vitre. Soulagé de retrouver la lumière, ce n'est qu'en te détournant que tu aperçois ton colocataire. Le voir t'arrache un bond ! Ce n'est pas qu'il est moche, non. Tu ne t'attendais pas à le voir là, c'est tout. Le soleil l'a réveillé avec violence, et d'après toi, c'est pas désagréable. Pour lui, peut-être plus, tu n'en sais rien. Tu lui souris quand même, malgré ton embarras et ton avis très mitigé. Qu'est-ce qu'il fichait à dormir en plein après-midi ?

« Hm… Désolé, je ne pensais pas te trouver là ! Enfin bref… On est colocataire, maintenant. Je m'appelle Eydan, et tu es ? »

Tu te retiens de lui demander s'il dort toujours aussi tard, c'est mieux d'attendre. Puis, tu rabats légèrement un volet pour qu'il s'acclimate sans problèmes à la lumière. Ton but n'est pas de le tuer à coup de soleil intensif.

Quelqu’un… quelqu’un est rentré dans la pièce, sa chambre ! L’esprit affuté et toujours au aguet de Tebryn le fit vaguement se réveiller, mais il n’ouvrit pas les yeux pour le moment. Si l’inconnu commettait un délit, il voulait le prendre sur le fait ! Et ainsi avoir l’effet de surprise. Ainsi, l’elfe attendit un peu, espérant que ce soit une erreur pour pouvoir replonger dans le sommeil tranquillement. Comme à son habitude depuis plusieurs siècles, Tebryn préférait sortir la nuit, préférant la lueur de la lune à celle du soleil. Ainsi il avait croisé au cours de ses vagabondages à Hinan Shigiku plusieurs être, des Créatures de la Nuit. Le fait qu’une « Sublime Créature » se comporte ainsi pouvait avoir quelque chose d’étonnant, mais avec la tête de Tebryn, cela n’était pas vraiment choquant.

Maintenant…. Si l’autre personne pouvait s’en aller ce serait bien plus agréable. ARF ! Pourquoi est-ce que… ! La lumière inonde la pièce, surprenant Tebryn. L’inconnu avait osé…. Ce n’était pas possible… L’elfe se leva d’un bond et se prépara à lui faire subir son courroux, faisant fi de sa tenue, qui pour le coup se composait d’un pantalon de pyjama noir en tissus et… rien sur le torse.

« Hm… Désolé, je ne pensais pas te trouver là ! Enfin bref… On est colocataire, maintenant. Je m'appelle Eydan, et tu es ? »

Et puis il ferme un peu le volet. Tebryn laissa ses pensées se tourner vers ses dagues, dont une était posé sur la table de nuit, ne l’utilisant pas de suite. Néanmoins, il fixa l’importun d’un regard acéré particulièrement hostile, si l’autre s’avérait incommodant, l’elfe songea qu’il n’aurait qu’à le menacer un peu selon la situation. Puis regarda le lit vide à côté de lui. Evidemment, il avait fallu qu’on lui trouve un colocataire. Indisposé par la lumière Tebryn répondit, tout en fermant les volets manuellement :

- Tebryn.

Puis d’un ton ironique et perfide il enchaîna :

- J’aimerais pouvoir dire que je suis enchanté de te rencontrer mais cela serait mentir, j’en serais navré.

L’elfe s’appuya contre le mur, légèrement échevelé, dans une attitude faussement détendu, détaillant de ses yeux bleus glacials le nouveau venu paraissant assez jeune et complètement agaçant. Avec cette attitude peu avenante, Tebryn espérait le dissuader de rester ici, et l'inciter à aller voir ailleurs si quelqu’un voulait d’une personne sans gêne comme compagnon de chambre.

Tu ne pouvais pas rêver mieux qu'un colocataire aussi aimable, n'est-ce pas ? A peine levé qu'il semble énervé comme jamais. Il n'est peut-être pas du matin, de l'après-midi en l'occurrence, ou carrément de la journée. Ça risque de poser problème s'il tient un rythme pareil tous les jours… Tu ne pense pas spécialement à toi, mais à lui. De toute façon, vous serez tous les deux bien emmerdés. Ton colocataire l'est déjà, vu sa tête. On ne lui a jamais appris à sourire ? Tu ne te gênes pas pour le regarder en détail, histoire de voir à quoi il ressemble plus précisément. Et aussi, pour déterminer s'il a toujours cet air glacial fixé au visage.

Ton sourire est aussitôt effacé quand l'autre ferme les volets. Il est un peu con sur les bords, en plus d'être peu sympathique ? Discuter dans la pénombre n'est pas chose aisée, à moins d'avoir une vision de nuit ou autre truc du genre. Enfin, ça, c'est l'excuse à peu près valable que tu pourrais donner. Tu respires à fond le temps qu'il finisse de parler. C'est décevant. Terriblement décevant.

« Enchanté, Tebryn. Même si le sentiment n'est pas partagé. »

Puis, tu ouvres les volets pour éclairer la pièce, sans demander l'avis de Tebryn. Il a qu'à se cacher derrière un rideau si ça ne lui plaît pas. Toi, tu restes à côté de la fenêtre. Tant pour bloquer l'accès que pour profiter de la lumière. Après tout, il ne faudrait pas qu'il vienne à nouveau privé l'espace du soleil.

« Tu trouves ça correct, de parler dans le noir ? Tu sais, c'est mieux de partir sur de bonnes bases, donc on peut… faire connaissance ? »

Tu n'es pas certain de vouloir connaître cette personne, et c'est presque en grimaçant que tu as finis ta phrase. Ça n'a pas l'air facile, de faire ami-ami avec lui, tu penses même que ça n'arrivera pas. Pour qu'il te sorte pas une réplique cinglante ou vexante, tu ne lui laisses pas le temps de répondre. Tu souris vainement, sans attendre une quelconque expression sur son visage.

« Tu es arrivé ici depuis longtemps ? J'aimerais bien savoir comment c'est. »

Mais c’est que le nouveau s’obstine à faire non seulement les formules de politesse et l’ouverture des volets. Cela fit hausser un fin sourcil à Tebryn. Il n’était pas habitué à ce que l’on persévère une fois qu’il ait manifesté son mécontentement. Il cligna des yeux quand la lumière revint, dire que l’elfe avait hésité à rester près de la fenêtre pour la protéger. L’obscurité c’est très bien de toute façon. Pourquoi l’autre réagit ainsi ? L’inconnu semble bien pressé de finir ses phrases. Est-ce le stress ? Autant continuer de lui mettre la pression. Il lui décocha un sourire mesquin :

- Pourquoi ? Aurais-tu peur du noir ?

De quel droit ce gamin venait dicter ses lois ? Vraiment, partir sur des bonnes bases était grandement compromit. Agacé, l’elfe passa la main dans ses cheveux, pour éviter qu’ils lui tombent devant les yeux, et répondit à sa question :

- Je suis ici depuis une semaine, j’ignore encore certaines parties de l’endroit. Mais je suis certain que tu te fera une joie de les découvrir par toi-même.

Il lui faisait ainsi comprendre, du moins il espérait, que pour la visite guidée, Eydan pouvait aller voir ailleurs. D’une démarche gracieuse et dangereuse - après tout il a hérité des gênes de ses ancêtres - Tebryn s’approcha de la fenêtre à son tour. Ces volets allaient devenir un conflit d’intérêt certains. Ce n’était même plus une question d’être fatigué ou pas. L’elfe avait eu moins d’heures de sommeil certains jours et pouvait tenir encore sans problème éveillé, surtout après un tel réveille en fanfare. Non. A présent le problème était qu’autoriser l’ouverture des volets de sa chambre lui ferait donc admettre sa défaite face à l’intrusion de son nouveau colocataire.

A l’aura, quelque chose lui disait que le gamin était une Sublime Créature. Comme lui. Sans doute que la direction avait pensé que ce serait logique d’en mettre deux dans une même chambre sans se douter que Tebryn aurait moins rechigné à accueillir une Créature de la Nuit partageant ses horaires. Dominant Eydan de toute sa hauteur, l’arrogant personnage posa une main sur le bois de l’élément conflictuel, manifestant son envie de le rabattre. Froidement il annonça sans sympathie :

- Tu ferais mieux de pousser ta tête, je serais peiné de la cogner.

Il ne semble pas apte à exprimer autre chose que des sentiments néfastes, et ça peut vous rendre toxique l'un pour l'autre. Enfin, c'est peut-être déjà fait. A l'entente de sa question, et à la vue de sa tête, tu lèves les yeux au ciel spontanément. Tu apprécies de moins en moins son attitude, mais… Y'a moyen de ne pas trop en tenir compte. C'est difficile, cela dit.

« Non. Je n'aime pas ça, c'est tout. Comme toi tu n'aimes pas la lumière, visiblement. »

Tu hausses les épaules à son insinuation. Tu ne le caches pas, ça te fait plaisir qu'il ne se propose pas pour t'aider à connaître le lieu ! Alors, tu lui souris et hoches la tête pour répondre sans t'y attarder.

« Bien sûr, je veux faire de bonnes rencontres, après tout ! »

Puis tu ajoutes, plus pour toi-même que pour ton interlocuteur.

« Mieux vaut être seul que mal accompagné, c'est bien connu. »

Mais en l'occurrence, tu n'es pas du tout seul en ce moment… Et c'est involontairement que tu adoptes une attitude défensive, lorsqu'il s'approche des fenêtres. Il est grand, tu te sens ridicule à côté. Ça ne veut pas dire que tu vas lui faire plaisir et le laisser refermer les volets. Ses paroles devait-elle te pousser à abdiquer ? Sûrement, sauf que tu te bornes à rester. Et tu le repousses. Sans violence, seulement avec fermeté. Le ton de ta voix trahit ton agacement, mais tu t'en fiches royalement.

« Alors écarte toi, et fait pas chier pour fermer les volets. Ça m'attristerait de te savoir en peine par ma faute, si tu savais. »

C'est totalement faux, et Tebryn doit bien le percevoir, ton intonation n'avait rien d'attrister. C'était sa chambre. Maintenant, c'est la vôtre, à vous deux. Ça fait pas le bonheur de beaucoup de monde, mais le choix n'a pas été donné. Tu soupires, las. Te chicaner avec un inconnu fait retomber la fatigue due au stress. D'ailleurs, tu serais même prêt à fermer ces satanés volets pour faire une sieste. Seulement, ce serait te donner tort, et raison à l'autre. Ou alors, tu peux dormir les volets ouverts. Ça ne dérangerait que Tebryn. Ah, au fait... Une question vient te brûler les lèvres, elle est insignifiante mais tu ne veux pas attendre pour avoir la réponse.

« Dis, est-ce que tu avais des affaires, bagages, quand tu es arrivé ici ? »

Mission accomplit, ton interlocuteur te détestait à présent. Tu vois ? Il préfère faire de bonnes rencontres , et être seul que mal accompagné. Parce que ta présence aussi agréable qu’un grincement de porte fait toujours son petit effet, les gens te fuis et tu as tout fait pour. Que vas-tu faire après avoir semé les graines de la discorde dans le cœur de ton colocataire ? Regardes, il s’est tellement enhardit qu’il veut te repousser physiquement, Tebryn. Bien sur tu es plus grand, plus lourd, et tu dévies ses mains avec ton éternel air méprisant :

- Ne me touches pas.

Tant d’années d’entraînement ont fait de toi un combattant avant tout. Les Adinirach t’ont modelés à leur image, arrachant ce qui faisait d’un elfe une créature de vie et de lumière, et n’apprenant plus que la haine envers les autres. Il faut être craint, il faut être seul. L’autre est toujours là, vers son fichu volet, singeant ton ironie. Si tu suis ton enseignement, alors tu sais ce qu’il te reste à faire : pousser le battant avec violence afin de le sonner, l’empoigner par le col et le jeter dehors sans ménagement. L’autre est plus mince et n’inspire pas la puissance brute. Tu y arriverais. Mais est-ce vraiment ce que tu veux ?

Ce n’est qu’un gamin, un inconnu. Tu aurais pu repartir de zéro et pour une fois dans ta vie avoir quelqu’un ne te détestant pas dans ce nouveau monde. T’as tout gâché, craché sur ses tentatives pour faire connaissance. Mais tu as peur, tu ne te l’avoueras jamais, trop orgueilleux, néanmoins tu as cette peur ridicule d’être rejeté même en faisant des efforts. Au moins, en étant méprisable, tu maîtrises la situation, tu connais déjà la réaction qu’auront les gens face à toi et cela est plus rassurant que quelque chose que tu n’avais pas prévu.

« Dis, est-ce que tu avais des affaires, bagages, quand tu es arrivé ici ? »

Tu as le choix, c’est ta dernière chance : faire comme d’habitude ou diminuer ton arrogance ? Il te faudrait accepter la lumière entrant dans la simple chambre, accorder cette futile victoire à Eydan, mais peut-être y gagnerais tu à long terme. Tu fini par t’éloigner de la fenêtre, sèchement, afin de t’assoir sur ton lit. Tu essai de répondre le moins désagréablement possible. Le manque d’entraînement en fait un ton neutre :

- Je suis arrivé il y a deux semaines. J’avais peu de chose. Quelques vêtements de rechange dans un sac, de la nourriture, un peu d’argent et mes armes.

D’un mouvement de tête tu désignes un sac en cuir marron vide – toutes les affaires sont rangés et la nourriture déjà mangé depuis plusieurs jours. Quand aux armes, ta précieuse collection de dagues et couteau de diverses qualités, certaines sont cachés sous le lit, dans un tiroir à vêtement, et un couteau trône sur la table de nuit. Pour essayer d’être un peu moins odieux, mais si de ton point de vue il est trop tard, tu demandes :

- Tu as fait un long voyage ?

C’est peu de chose mais venant d’une personne comme toi, c’est limite extraordinaire. Tu trouves ça débile. Qu’est-ce que tu espères ? Augmenter ta réputation ? Tu soupires, c’est ridicule. Tu n’es pas fait pour être sympathique. Tu es même convaincu de ne plus être une Sublime Créature mais un être déchu. Alors tu fais mine de t’intéresser au plancher, laissant tes longs cheveux ébènes dissimuler ta figure, comme si tu voulais qu’Eydan oubli ta question, cette minuscule tentative de discussion non hostile. Au moins, être détesté, tu connais, et c’est plus simple.

HRP: